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les étapes de la correction phonétique


On peut considérer deux cas de figures :

  • Vous enseignez à des débutants complets.
  • Vous enseignez à de faux débutants ou à des apprenants confirmés qui ont débuté chez une autre enseignante.

Dans le premier cas, on peut éviter les problèmes graves en pratiquant la prévention.

Dans le second, il faudra concevoir votre intervention comme un traitement médical ou une rééducation après une maladie ou un accident.


1.1 Prévention

On peut essayer de prévenir la faute en commençant tôt à enseigner systématiquement l’intonation, puis, en passant ensuite au système phonique. A cause de la grande différence entre le code oral et le code écrit du français, on évitera, lorsque l’on introduit un mot nouveau, de l’écrire au tableau tant que la prononciation n’est pas assurée. Et une fois qu’on l’aura écrit, on continuera à surveiller la prononciation, pour que assez ne devienne pas [asɛz] ou trop [tʁopə], et on n’oubliera pas d’en préciser la prononciation en API (Alphabet Phonétique International).


1.2 Diagnostic

Lorsqu’un apprenant fait une faute, il faut avant tout la repérer, ©prendre conscience de son existence : « Ah, il y a une faute ! »

Il faut ensuite l’identifier : c’est une faute de phonème ou d’intonation. Quelle est-elle, et quelle est son origine ?

Vient-elle par exemple du fait que l’apprenant n’est pas conscient du problème (par exemple, il n’arrondit pas la semi-consonne [ w ] et prononce oui [ vi ] au lieu de [ wi ] ).

Une fois la faute répertoriée et identifiée, il faut voir si elle fait partie d’un système (il prononce toutes les occlusives sonores comme des sourdes) ou s’il s’agit d’une faute individuelle sur un son unique.

Ou encore, si l’apprenant se rend compte de sa faute, peut-être ne la reproduira-t-il pas de si tôt.

Voyez si vous pouvez effectuer la correction rapidement, ou si plus d’efforts sont nécessaires. Dans ce dernier cas, il faudra un plan de traitement.

Il faut voir aussi si l’élève est le seul à faire la faute, ou si l’on peut identifier un groupe d’apprenants présentant le même problème. Dans ce cas, on pourra tenter quelques exercices en groupe.

Méfiez-vous aussi des apprenants qui ont un problème pathologique : bégaiement, clichement, défaut de langue etc. qui relève de l’orthophonie. Faites-le parler dans sa langue maternelle pour contrôler si le problème s’y trouve aussi. Il vaut mieux, dans un tel cas, faire celle qui n’a rien entendu, dans l’intérêt même de l’apprenant.


1.3 Le plan de traitement

  • Prévoir d’abord une prise de conscience, voire une reprise…
  • Prévoir des exercices, d’abord en environnement favorable, puis, de plus en plus défavorable.
  • Finir par un exercice de transfert, qui n’a pas directement à voir avec la phonétique, mais qui va permettre de vérifier si tous vos efforts ont bien porté leurs fruits.

  • 1.3.1 La prise de conscience

    Nous avons, pour chaque problème énoncé, proposé une méthode pour susciter une prise de conscience. Vous pouvez donc vous y reporter en cas de besoin.

    Une question se pose : comment expliquer de façon à être compris ?

    Il va de soi que si vos apprenants sont jeunes, et ne se destinent pas au professorat en FLE, il n’est pas question de les assommer de mots compliqués. On se limitera aux plus simples, faciles à expliquer : voyelle, consonne, semi-consonne, sourde, sonore, arrondie, orale, nasale.

    On leur épargnera les termes : constrictives, occlusives, médio-palatales ou uvulaires.

    On respectera la règle : « Pas plus d’efforts que raisonnable, pas moins que nécessaire. »

    En revanche, pour de futurs professeurs, ou pour de futurs orthophonistes, on n’hésitera pas à enseigner les termes techniques, qui décrivent précisément des caractéristiques importantes.

    On pourra fournir aux élèves un exemplaire du trapèze vocalique, du trapèze des semi-consonnes, et les patrons intonatifs de base. Vous trouverez plus loin une boîte à outils de l’enseignante, et vous pourrez facilement en faire une boîte à outils de l’apprenant en la photocopiant. Nous vous engageons à l’utiliser sans modération.

    N’hésitez pas à utiliser les trucs que nous vous avons décrits. Mettez au point votre propre système de gestes et de mimiques, et n’hésitez pas à vous en servir. Ils se révéleront sûrement efficaces dans leur fonction de rappel d’éléments connus. Croyez-vous qu’Herbert von Karajan se sentait ridicule en battant la mesure ? Sûrement pas : cela faisait partie de son métier.


    1.3.2 La discrimination et la compréhension orale

    Une fois que l’apprenant connaît le problème et son étendue, il faut s’assurer qu’il entende bien les différences entre sourdes et sonores, arrondies et non-arrondies, nasales, semi-consonnes, voyelles etc. Pour cela, on fait des exercices de discrimination. Cela revient à faire écouter des mots, des groupes de mots, ou des phrases, et de demander à l’apprenant de préciser ce qu’il a entendu.

    On commence par faire comparer des couples, ce qui est plus facile que d’identifier un son dans un mot seul, sans contre-exemple. Dans l’exercice suivant, il aura à identifier le phénomène sans pouvoir comparer.

    Exercices de discrimination

    Exercice 1


    Exercice 2


    Exercice 3


    Il faut ensuite après chaque exercice proposer une correction, pour voir si les apprenants rencontrent des problèmes, qu’ils soient d’ordre général ou individuel. Il faut bien sûr en parler.

    Une fois que vous serez sûre que les apprenants identifient acoustiquement la nasale, vous pourrez passer à des exercices de production.


    1.3.3 La production et l’environnement>

    On peut faire des exercices de production de mots sur un son unique, par exemple, le [õ], puis, mélanger le son à ses concurrents, ici [ɑ̃], [ɛ̃̃] et éventuellement [œ̃].

    Mais on peut aussi, quand les phonèmes sont difficiles, les présenter d’abord dans un environnement favorable, avant de passer à un environnement défavorable. On peut aller jusqu’à quatre degrés de difficulté :


    • Environnement et intonation favorables.
    • Environnement favorable et intonation défavorable.
    • Environnement défavorable et intonation favorable.
    • Environnement et intonation défavorables.

    On peut classer les sons en sons graves ou aigus, selon les fréquences qui les constituent.

    Ainsi, les consonnes les plus aiguës sont les apico-dentales : [ s,z,t,d,n,l ]

    Les plus graves sont les labiales, les bilabiales [p, b, m] et les labiodentales [ f ,v].

    Les autres consonnes peuvent être considérées comme neutres.


    Les voyelles peuvent aussi être classées selon leur formant n°2.

    De la plus aiguë à la plus grave : [ i, e, ɛ, y, ø, œ, a, u, o, ɔ, ɑ ].

    Nous considérerons les nasales [ ɛ̃, œ̃, õ, ɑ̃ ]ƒ comme graves du fait de leur formant nasal, à 500 Hz, qui détruit le formant 2.

    On se servira de ces données dans notre travail.


    1.3.3.1 Environnement et intonation favorables

    Lorsque l’on travaille sur des voyelles nasales, il est préférable de mettre des consonnes nasales avant, dont on profitera de la nasalité.

    Mon [ mõ ] main [ mɛ̃ ] ment [ mɑ̃ ].

    Lorsqu’une consonne sonore, par exemple [ʒ], est prononcée sourde, on a intérêt à placer le son entre deux voyelles, pour qu’il profite de la sonorité des voyelles. On emploiera donc, par exemple, âgé ou à jour.

    Lorsqu’une voyelle aiguë, [i] par exemple, est remplacée par l’apprenant par une grave, on la placera derrière des consonnes aiguës, comme s ou t , donc si [si] ou Tino [tino].

    Dans le cas inverse, beaucoup plus fréquent, d’une voyelle grave réalisée en aiguë, on placera devant des consonnes graves, et si c’est, en plus, une voyelle arrondie, on mettra une consonne bilabiale, par exemple, pour [i] au lieu de [y], mu [my], bu [by] ou pu [pu] pour que l’apprenant se concentre sur l’emploi des lèvres.

    Pour le [ʁ] prononcé en voyelle en fin de syllabe, on aura intérêt à le mettre en début de syllabe, comme dans rat [ʁa] ou Riri [ʁiʁi], ou à faire une liaison sourd [suʁ] et muet [su ʁe mɥɛ], le [ʁ] se trouvant alors au début de la syllabe suivante .

    Pour ce qui est de l’emploi de l’intonation, tout dépend du but visé.

    Si vous voulez obtenir une voyelle ou une consonne aiguë, il faudra placer le son dans une intonation montante, dans la dernière syllabe d’une interrogative sans mot phonique.

    Inversement, si vous voulez obtenir une voyelle ou une consonne grave, il faudra placer le son dans une intonation descendante, dans la dernière syllabe d’une interrogative avec mot interrogatif au début, ou d’une affirmative.


    1.3.3.2 Environnement favorable et intonation défavorable

    L’influence de l’environnement étant plus grande que celle de l’intonation, on emploiera d’abord une intonation défavorable, et donc :

    Si vous voulez obtenir une voyelle ou une consonne aiguë, il faudra placer le son dans une intonation descendante pour rendre les choses plus difficiles.

    Inversement, si vous voulez obtenir une voyelle ou une consonne grave, il faudra placer le son dans une intonation montante pour les mêmes raisons.

    Pour ce qui est de l’environnement, on gardera celui du paragraphe 2.2.4.6.1.


    1.3.3.3 Environnement défavorable et intonation favorable

    Pour ce qui est de l’intonation, qui doit être favorable, on emploiera les principes édictés dans le paragraphe 2.2.4.6.1.

    Pour l’environnement, qui doit être défavorable, on emploiera l’inverse des principes du paragraphe 2.2.3.6.1 :

    Lorsque l’on travaille sur des voyelles nasales, il est préférable de mettre des consonnes non nasales avant, de préférence aiguës : ton, son, sain, sans.

    Lorsqu’une consonne sonore, par exemple [ʒ], est prononcée sourde, on la placera en fin de syllabe, comme dans âge [aʒ] ou bouge [buʒ].

    Lorsqu’une voyelle aiguë, [i] par exemple, est remplacée par une grave, on la placera derrière des consonnes graves, comme [m] ou [b] , donc mi [mi] ou bibi [bibi].

    . Dans le cas inverse, beaucoup plus fréquent, d’une voyelle grave réalisée en aiguë, on placera devant des consonnes aiguë, et si c’est, en plus, une voyelle arrondie, on mettra une consonne non labiale comme [s] ou [t], par exemple, pour [i] au lieu de [y], su [sy] ou tu [ty].

    Pour le [ʁ] prononcé en voyelle en fin de syllabe, on aura intérêt à le remettre en fin de syllabe, comme dans bar [baʁ] ou pire [piʁ].

    Dans tous les cas, il faudra surveiller la bonne réalisation du son susceptible d’être raté.


    1.3.3.4 Environnement et intonation défavorables

    Pour terminer, et si les exercices précédents ont bien fonctionné, on ajoute le dernier obstacle : l’intonation défavorable, celle définie plus haut.

    Si vous n’avez pas le temps, ne faites que les exercices où toutes les conditions sont favorables, puis, ceux où elles sont toutes défavorables.

    Vous pouvez faire répéter des mots, ou des phrases très brèves, pour ne pas créer trop de difficultés.

    Il vous reste aussi la possibilité d’utiliser des phrases bourrées de la même difficulté, du genre (je cite de mémoire des phrases venues d’une vieille méthode de phonétique) :

    • Les fées se sont envolées.
    • J’ai fait le café et le thé.
    • Il y aura du vent quand tu arriveras à Nantes.
    • Tu fus élu par une crapule.

    réfléchissons Ecoutez :

    1.3.4 Exercices de transfert

    Il vous restera à faire des exercices de transfert, où l’on oubliera que l’on fait de la phonétique, mais où on rencontrera toutes sortes de difficultés.

    On pourra préparer de courts textes à apprendre et à jouer comme des pièces de théâtre, ou encore à lire, bien que la lecture d’un texte écrit apporte ses propres difficultés dues à l’orthographe, qui est souvent très éloignée de l’oral.

    Vous pouvez aussi, si vous disposez d’un caméscope, filmer la scène, la rejouer, et discuter avec les élèves de la qualité du jeu, mais aussi de la prononciation. L’intonation fait, elle aussi, partie du jeu et peut être travaillée avant que la scène ne soit jouée.

    On peut aussi faire jouer la même scène par des équipes différentes et comparer.

    Le théâtre et le cinéma étant essentiellement oraux, et la présentation du texte étant importante, c’est un exercice particulièrement intéressant pour la phonétique. De plus, c’est une activité gratifiante qui peut de plus se révéler amusante, ce qui dopera la motivation.


    1.3.5 Le service après-vente

    Comme toujours dans l’enseignement, rien n’est jamais gagné pour l’éternité. Il faudra, à l’occasion de difficultés nouvelles, rappeler certaines données phonétiques, et ne pas hésiter à corriger en rappelant ce qui a été fait au début, en utilisant les mêmes recettes.

    Utilisez l’écriture phonétique. Les mots nouveaux sont le plus souvent écrits en API (l’alphabet phonétique international), que l’on retrouve dans le dictionnaire. Une bonne enseignante de français doit être capable d’écrire la prononciation en écriture phonétique.

    Faites en sorte que vos apprenants sachent, eux aussi, lire et écrire la phonétique. Ce n’est pas si difficile que cela. Vous pouvez faire une dictée phonétique, et même, si vous voulez, écrire l’intonation. Par exemple :

    « Ce matin, quand je me suis levé, il faisait beau.

    — Vraiment ?

    — Mais oui. »

    réfléchissons Ecoutez :

    Exercice 3


    1.4 Consolider par des exercices de transfert (s’éloigner de l’exercice de phonétique)

    La phonétique n’étant pas un but en soi, il va falloir faire des exercices de transfert, dans lesquels aura disparu le caractère d’exercice de phonétique.

    On pourra toujours prévoir des saynètes dans lesquelles on aura soin d’utiliser les sons difficiles.

    1.5 Conclure le traitement par un test (discrimination / production

    Lorsque la phase de traitement sera terminée, il sera bon de contrôler l’apprentissage dans un test en deux parties :

    • Une partie discrimination.
    • Une partie production.

    Cela nous permettra d’apprécier les progrès de l’apprenant.

    1.6 Exercices de contrôle sporadiques après rémission

    Il sera bon, de temps en temps, de contrôler s’il y a rechute ou non, et d’intervenir en suivant l’idée de traitement définie plus haut.

    2 Traitement par problème

    Maintenant que nous savons comment faire pour mettre au point un plan de traitement, nous allons examiner les différents problèmes.

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